Malgré le code secret maçonné dans le mur de l’abbaye, le trésor du Rouge-Cloître d’Auderghem n’aurait pas encore été retrouvé dans la forêt de Soignes environnante, trop souvent massacrée, mais enfin reconnue en tant que zone naturelle d’intérêt européen.
Cette forêt de Soignes n’est plus qu’une minime parcelle, un lambeau de l’immense forêt charbonnière qui s’étendait à travers une grande partie de la Gaule. Une forêt qui couvrait des régions du Brabant à la Picardie et qui fut défrichée au fil des siècles afin de satisfaire les populations de plus en plus nombreuses. Elle a été également fort abîmée durant les guerres et les invasions (7000 hectares furent détruits sous le régime hollandais).
Pour ne pas oublier l’endroit de l’enfouissement d’un trésor, certaines personnes élaborèrent des codes secrets. Parmi eux, une croix de pierre dressée sur trois degrés ou sur un triangle dont la base est parallèle au sol ou « fondue » de manière particulière parmi les briques d’un mur. Cette manière d’opérer aurait déjà permis de retrouver de multiples trésors enfouis. Dans le cas d’Auderghem, ces environs sont très étendus, puisqu’il s’agit de la forêt de Soignes, et le trésor n’a pas encore, officiellement, été mis au jour. Mais de quel trésor s’agit-il, au juste ?
Ce remarquable « poumon vert de Bruxelles », qui fut aussi littéralement massacré par un urbanisme sauvage — spécifique dans la région bruxelloise — et le tracé de multiples voies de communication, ne compte plus qu’environ 4300 hectares de futaie (5000 selon certaines sources), certaines hêtraies actuelles datant cependant du XVIIIe siècle.
Une incontestable prise de conscience de protection de ce joyau naturel a eu lieu ces deux dernières décennies. La reconnaissance officielle de la forêt de Soignes comme zone naturelle d’intérêt européen couronna cet effort fin 2004 et, en 2007, celui-ci se poursuit grâce, entre autres, à l’action de Soignes-Zonien qui propose une intéressante participation citoyenne à la gestion de la forêt, à la préservation de la nature, et ce dans une situation administrative compliquée (et typiquement belge !) : 38 % de la superficie est gérée par la Région de Bruxelles-Capitale, 56 % par la Région flamande, 6 % par la Région wallonne et 347 hectares (Bois des Capucins) par la Donation royale.
Durant le Moyen Âge, une dizaine de communautés religieuses vinrent s’établir dans la région brabançonne : à la Cambre, à Groenendaal, au Rouge-Cloître (le site a été en profonde restauration et le résultat me paraît remarquable ; « mon » mur mystérieux a même été sauvegardé !), et ce sont des augustins qui vinrent s’établir dans ce dernier site.
Naguère, de vives polémiques éclatèrent quant à savoir si saint Augustin (IVe siècle) fut moine ou non. Pour les uns, il le fut au même titre que saint Basile, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome, saint Benoît, saint Bernard…, auxquels on ne contesta jamais cette qualité. Pour d’autres, saint Augustin ne fut jamais un moine, mais seulement le fondateur d’une réunion de clercs astreints à un vœu de continence et de pauvreté.
Aujourd’hui, les Augustins se définissent comme des religieux et religieuses qui suivent les règles spirituelles du saint homme, chronologiquement considéré comme le premier grand philosophe chrétien de l’Histoire. Son action et son œuvre furent politiques et doctrinales, et intimement liées à son expérience de la culpabilité.
De culpabilité, Joseph II (1741-1790), empereur germanique et corégent des États des Habsbourg, fils aîné de François Ier et de Marie-Thérèse, n’en eut point à l’égard de l’Église, alors que, d’autre part, il désirait ardemment moderniser le gouvernement et abolir le servage. Cette politique religieuse fut d’ailleurs intitulée « le joséphisme ». En 1783, il supprima ce qu’il appelait les « congrégations inutiles », dont les Augustins !
Néanmoins, cette intention était parvenue aux oreilles des Augustins du Rouge-Cloître d’Auderghem et quand, le 13 avril 1784, les autorités se présentèrent chez eux afin d’y apposer les scellés et placer tous les biens du prieuré sous séquestre, tous les objets précieux, mais également les monnaies d’or et d’argent, avaient « étrangement » disparu.
Étrangement ? Le prieur, un certain Terlaken, fut enfermé, mais il ne révéla jamais l’endroit de la cachette du trésor. Un trésor qui, malgré de multiples recherches depuis des siècles, n’a pas encore été découvert. Un trésor qui, pourtant, doit se trouver dans les environs du Rouge-Cloître puisque, selon la tradition, on distingue (sauf démolition accidentelle ou effondrement), dans le mur d’enceinte se situant non loin de la Maison du meunier, une haute croix de calvaire de briques noirâtres parmi des briques rouges.
Particularité exceptionnelle de cette croix, elle s’efface à la vue selon la position du soleil. Un peu à droite de cette croix, on en découvre une deuxième, plus petite, mais répondant quasiment aux mêmes conditions de l’énigme.